En avril 2008, des collégiens de 5ème ont vu un homme entrer dans leur classe. Quelques-uns le reconnurent. Tous furent impressionnés. A lire la stupéfaction sur le visage de leur professeure, ils comprirent que c’était quelqu’un d’important. Le président du Conseil constitutionnel, l’ancien garde des Sceaux, Robert Badinter, venait d’entrer dans sa propre classe.
En effet, celui qui combattra inlassablement la peine de mort jusqu’à obtenir par une loi de septembre 1981 son abolition en France, a été élève du « petit lycée » pendant l’année scolaire 1939-1940. Notre établissement ne s’appelait pas encore Jules Verne ; c’était l’annexe du lycée Clemenceau.
En 2008, Robert Badinter a accepté de présider le bicentenaire du lycée Clemenceau de Nantes. Son exigence : pouvoir visiter le lycée de la rue du général Meusnier. Dans le train qui l’amenait à Nantes, il pensait avoir tout oublié de ses locaux. « C’était le blanc complet, à part les tilleuls ». Quand nous l’avons accueilli (photo ci-dessus), tout en réserve et courtoisie comme à son habitude, il était néanmoins visiblement ému. L’escalier d’honneur, et les mosaïques des sols sont revenus dans sa mémoire.
Il a raconté une nouvelle fois devant nous cet épisode de 1940 : l’arrivée près du château (où il habitait avec sa famille), de 2 soldats allemands (c’étaient les premiers) sur un side-car muni d’une mitrailleuse. Restera gravé dans sa mémoire, leur rire tonitruant, le « rire du vainqueur ».
Simon Badinter, fourreur, habitait Paris. L’été, il emmenait régulièrement sa famille au Pouliguen. A l’été 1939, devant les menaces de l’Allemagne nazie qui se précisent, il décide d’installer les siens à Nantes. C’est la raison de la scolarisation de Robert à Jules Verne. A cette époque, le lycée servait aussi de centre d’accueil pour les réfugiés ; on y distribuait des masques à gaz aux élèves.
Pour sa part, Simon Badinter rejoint Paris puis Lyon où il est raflé en 1943, puis déporté au centre d’extermination de Solibor. Il n’en reviendra jamais.
Sur la photo ci-dessous, extraite du livre de Robert Badinter sur sa grand-mère maternelle Idiss, Robert, Simon son père, sa mère Charlotte née Rosenberg, et Claude son frère ainé, déambulent dans les rues de Nantes.