Robert Clabecq, ancien surveillant général puis conseiller d’éducation au lycée Clemenceau est décédé au mois d’octobre 2015. Plusieurs anciens lycéens des années agitées après 1968 se sont souvenu d’un homme qui les a marqués et de la manière très humaniste dont il exerçait ses fonctions. Sa silhouette revient en mémoire à Philippe Leblanc:
« Oui, je me souviens de lui, un homme à lunettes, cheveux gris coiffés en arrière, fumant la pipe me semble-t-il, il traversait la cour d’un pas alerte en appelant les élèves » garçons « .
Il méritait notre respect ». Michel Fouasson qui était interne, insiste sur ses qualités d’éducateur : « A son nom, son image surgit dans ma mémoire. La belle image d’un homme juste, respectueux et ferme quand c’était nécessaire, avec parfois un regard qui s’attardait et qui écoutait (oui c’est possible …) ». Il est important de rappeler que c’est dans ces années 1970 que le statut de surveillant général a évolué vers le corps des conseillers d’éducation.
Thierry Millour qui était également interne, a souhaité relater une histoire personnelle et cocasse mais qui illustre la façon dont Robert Clabecq savait aborder les élèves, « J’ai été interne à Clemenceau de la classe de troisième à mon bac en 1970, M. Clabecq était alors l’un des deux Surveillants généraux de l’établissement. J’avais beaucoup de respect pour lui, il ne nous considérait pas comme des élèves mais comme des adultes et n’hésitait pas à nous questionner sur des questions éthiques ou sur nos valeurs (respect, considération, laïcité etc….). Il agissait beaucoup plus en pédagogue et en éveilleur de futurs talents qu’en qualité de gardien du bon ordre et de la discipline.
Moi, j’étais un élève rebelle, contestataire comme on pouvait l’être en 68 et plutôt. Malicieux. Un jour je me suis rendu coupable d’un stratagème pour qu’il me concède l’autorisation de sortir pour participer au jeu du « Schmilblick » qui était animée par Guy Lux tous les soirs vers 19H30. J’ai prétendu que j’avais la solution du jeu et que je ne pouvais pas passer à côté de la récompense promise au gagnant compte tenu de ma situation financière comme élève boursier. J’obtins l’autorisation de sortie et, pour mes camarades internes celles de regarder l’émission le soir même en avançant le dîner d’une demi-heure.
En fait nous trouvions tous le jeu du schmilblick ridicule, débile et abêtissant. Mon seul objectif était de ridiculiser l’animateur et de décrédibiliser l’émission…
En arrivant sur la place du Champ de mars qui était noire de monde, je commençais à évaluer les conséquences possibles de mon action impertinente et soyons clairs …. à me « déballonner » ….
Sur l’estrade, nous ne sommes que six ou sept à postuler. Les premiers candidats font leurs premières propositions : « le « Schmilblick est-il rond ? Oui, à quoi pensez-vous donc ? un ballon… ! »
Arrive mon tour et Guy Lux m’interpelle : » oui jeune homme c’est à vous ! Posez-votre question s’il vous plait ! »
» Peut-on concevoir le » Schmilblick » dans un concept Kafkaïen….si l’on conçoit l’absolu abstractif en deçà d’une théorie empiriquement cartésienne ??? »
J’espérai que l’animateur me dirait ….. » euh…je n’ai pas très bien compris la question mais : à quoi pensez-vous, s’il vous plait ? ». J’aurais alors répondu : » Une queue de poêle Tefal ! » , citant une de ces marques symboles de la société de consommation.
Mais Guy Lux ne souhaitait pas entrer dans le jeu des étudiants qui apportaient régulièrement de la contestation à l’émission.
En conséquence, je n’ai même pas eu le plaisir de lui fournir ma sortie… car il a senti le piège et ne m’a pas posé la question mais a demandé le candidat suivant….
Finalement il ne me restait plus qu’à rentrer. Je dois avouer que j’ai trouvé le retour assez long. Il faisait noir et à l’amorce de la rue Clemenceau, j’ai aperçu devant le porche d’entrée la grande silhouette de Monsieur Clabecq. J’entends encore ses paroles :
« Millour, vous avez abusé de ma gentillesse envers vous…. Et, en tant que Surveillant général, je et vais vous « coller » pour trois semaines… »
Mais en tant que citoyen, j’ai apprécié votre humour potache et je crois que vous avez bien marqué le coup …. Même si vous m’avez abusé ! »
Je tenais à relater cet anecdote de ma vie de potache pour dire le plus grand respect que j’ai conservé pour Monsieur Clabecq.
Rebelle par conviction, j’ai eu aussi d’autres occasions d’apprécier sa clémence et sa prise de hauteur par rapport à d’autres actions contestataires des lycéens. C’est aujourd’hui que je sais que la rencontre d’hommes comme lui m’ont permis de structurer ma vie d’homme et de citoyen.
Robert Clabecq était principal honoraire du collège et du lycée de Challans, poste où il avait terminé sa carrière avant de se retirer à Laroque des Albères dans les Pyrénées Orientales.